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« Osons la commune nouvelle ! »

« Osons la commune nouvelle ! »

Pour la première fois en format décentralisé, les Assises des communes nouvelles, organisées par l’AMF, se sont tenues, le 29 juin, à Baugé-en-Anjou (49). Un choix qui ne doit rien au hasard car il s’agit d’une des premières communes nouvelles à avoir vu le jour il y a dix ans. Son maire Philippe Chalopin, également co-président du groupe de travail Communes nouvelles de l’AMF, vante les mérites de la formule jugée comme « le modèle d’avenir de la commune ». Au programme de la journée : le bilan de dix ans d’existence, des retours d’expérience et les demandes exprimées auprès de l’Etat pour relancer le mouvement un peu à l’arrêt depuis la crise sanitaire et la période pré et post-municipales. Présent, le ministre Christophe Béchu a annoncé la création d’une « dotation commune nouvelle ad hoc ».

Début 2023, 795 communes nouvelles ont été créées, rassemblant 2553 communes et près de 2,5 millions d’habitants. A l’heure du bilan après dix ans d’existence, les assises du 29 juin ont présenté les nombreux atouts pour se lancer dans l’aventure mais aussi les attentes vis-à-vis de l’Etat pour relancer la dynamique.

En introduction de la journée, David Lisnard, le président de l’AMF, a rappelé que « la force de ce mariage d’amour et d’intérêt est de reposer sur le respect de la liberté locale et sur le principe de subsidiarité », tout en soulignant le besoin de « visibilité » et d’« une garantie de l’Etat dans le temps », en particulier financière.

Des élus convaincus

Précurseur, Philippe Chalopin insiste sur la première force de la commune nouvelle : « sauvegarder et créer des services de proximité, porter des projets de développement ». Indiquant qu’à Baugé-en-Anjou, cela a permis « 50 millions d’euros d’investissement en dix ans », il vante cette formule de « regroupement pour être plus fort mais aussi pour continuer d’exister ». Comme plusieurs intervenants, il a mis l’accent sur une solution « parfois la seule et la dernière en milieu rural ». « Pour éviter le risque de disparition de certaines communes, il n’y a pas à hésiter », lance-t-il. « Celles qui ne peuvent plus apporter de services mettent en danger leur avenir », poursuit Françoise Gatel, présidente de la délégation aux Collectivités territoriales du Sénat, en présentant la commune nouvelle comme « une pépite de liberté dans un océan de contraintes ». Condition de sa réussite, tous les élus insistent sur la nécessité de s’appuyer sur un réel projet de territoire.

Un bilan jugé positif

Evoquant un « bilan très positif » sur Baugé-en-Anjou, Philippe Chalopin met l’accent « sur le temps nécessaire pour ancrer et valider la démarche ». Françoise Gatel partage le même sentiment sur le dispositif qui permet de « gagner plus de capacité d’agir » et cite une très récente enquête du Sénat révélant que 87% des élus jugent positivement la commune nouvelle. Dans un rapport coécrit avec le sénateur Éric Kerrouche, et présenté le 28 juin, elle appelle les services de l’Etat à renforcer leur accompagnement aux projets de création, jugé aujourd’hui « insuffisant ».

Si c’était à refaire ? Tous les élus répondent en cœur oui. « La réponse serait évidemment positive mais peut-être autrement », reconnaît toutefois Jean-Marc Vasse, maire de Terres de Caux (76) et référent Communes nouvelles de l’AMF. Il regrette que son regroupement à sept communes n’ait pas pu se faire à l’échelle de l’intercommunalité. « Reposant sur un principe de réalité, notre périmètre est celui de la proximité du quotidien en respectant l’histoire de chaque commune membre », insiste-t-il. De même, Sylvie Sourisseau, maire de Brissac-Loire-Aubance (49), regrette de n’avoir pas pu coller au bassin de vie. Mais se réjouit « d’avoir pu maintenir des services et d’en avoir créé de nouveaux ».

Facteur d’attractivité

« Soutenue par la population, la commune nouvelle nous a permis d’être plus attractif économiquement », ajoute Alain Astruc, maire de Peyre-en-Aubrac (48). Joël Balandraud, maire d’Evron (53) et secrétaire général adjoint de l’AMF, confirme ce facteur d’attractivité en citant notamment « le moyen d’avoir des personnels plus capés ». En cette période difficile pour recruter, Philippe Chalopin indique qu’il n’a aucune difficulté pour embaucher grâce à la valeur ajoutée de la commune nouvelle.

Le maire de Baugé-en-Anjou met aussi en avant un autre atout : « la commune nouvelle constitue un amortisseur de la loi Notre et de l’intercommunalité ». Le maire d’Evron va dans le même sens en soulignant « un poids plus important dans l’EPCI et des sièges supplémentaires au conseil communautaire ».

Besoin d’un nouveau cadre financier

David Lisnard plaide pour revoir le cadre financier des communes nouvelles afin qu’elles ne perdent pas de dotations. Cette demande aura été un leitmotiv de la journée pour assurer la pérennité des structures existantes et susciter un nouvel élan de création. La baisse de dotations s’explique surtout par les effets de seuil comme la perte de la DSR en franchissant le cap de 10 000 habitants. « Ce contexte freine de nombreux projets », reconnaît Joël Balandraud. L’AMF demande ainsi d’inscrire dans la loi « le principe de ne pas percevoir moins de DGF que celle des communes fondatrices avant leur regroupement ».

En réponse aux inquiétudes des élus, Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique et de la Cohésion, présent lors de la première table-ronde, a promis la création « d’une dotation nouvelle ad hoc de garantie ne passant pas par une énième modification de la DGF » qui fera partie du projet de loi de finances pour 2024. Une satisfaction même s’il faut attendre de connaître précisément ses contours. Sur ce sujet, Stella Dupont, vice-présidente de la délégation aux Collectivités de l’Assemblée nationale, prône « un travail de fond sur le cadre actuel et pour s’inscrire dans la durée ».

Une gouvernance à revoir

En matière de gouvernance, la question se pose sur la réduction parfois drastique du nombre d’élus sachant qu’au second mandat leur nombre redevient celui du droit commun. Cela donnera ainsi 33 élus à Baugé-en-Anjou ou à Segré-en-Anjou-Bleu (49), regroupant toutes les deux 15 communes historiques. « Cela sera trop peu pour préserver la proximité, estime Geneviève Coquereau, maire de Segré-en-Anjou-Bleu. Il faudrait au moins 48 élus ». Un constat partagé par Philippe Chalopin qui demande à « l’Etat de comprendre cette situation, en particulier sur un territoire très vaste comme le mien ». Les maires s’inquiètent de l’absence de représentation d’élus de certaines communes dans l’avenir et du risque de remise en cause de la commune nouvelle que cela pourrait entrainer.

« Le rôle et la reconnaissance des communes déléguées sont essentiels », insiste le maire de Baugé-en-Anjou. Un constat partagé par Jean-Marc Vasse qui liste les demandes de l’AMF de disposer, en plus de l’effectif de droit commun, d’un élu par commune déléguée. Le maire délégué « incarne l’hyper-proximité, importante à préserver quand il y a beaucoup de communes fondatrices », affirme le maire de Terres-de-Caux.

Vers un statut particulier ?

Estimant que la commune nouvelle relève de « l’intérêt général », l’universitaire Vincent Aubelle appelle à lui « conférer une stabilité en tenant compte de sa particularité d’être fondée par plusieurs communes sur un territoire étendu ». Selon lui, « c’est à cette échelle que doivent être calculées les dotations et l’application des normes ». Dans le même esprit, Philippe Chalopin, rappelle qu’elle n’est pas une commune comme les autres. « Nous sommes comme un EPCI très intégré avec beaucoup de charges dues au renforcement des services publics », souligne-t-il.

« La commune nouvelle est une organisation territoriale particulière », souligne la députée du Maine-et-Loire, Stella Dupont. Et d’insister sur le « choix à faire aujourd’hui : maintenir le cadre classique de la commune de droit commun ou opter pour un statut particulier ». Une position qui rejoint celle de l’AMF défendant un régime particulier tenant compte de l’existence des communes déléguées et suivant les cas, de leur superficie, de leur densité, de l’absence de centralité…

Relancer le mouvement

Paul Carrère, maire de Morcenx-la-Nouvelle (40) et coprésident du groupe de travail communes nouvelles de l’AMF, se veut optimiste pour l’avenir. « Si on règle les questions financières et institutionnelles, je suis convaincu que de nombreux projets vont éclore. Beaucoup d’élus se renseignent ». Philippe Chalopin évoque aussi « plus qu’un frémissement ». Mais il n’y a plus de temps à perdre. Jean-Marc Vasse rappelle l’échéance du 1er janvier 2026, date à partir de laquelle plus aucune commune nouvelle ne pourra être créé du fait des élections municipales. « Les années 2024 et 2025 seront donc cruciales pour se préparer et lancer les projets », prévient-il.

Philippe Pottiée-Sperry

 

 

Référence : BW41819
Date : 7 Juil 2023
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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