Espace Associations départementales


Prolonger et améliorer les ZRR : les sénateurs mettent la pression sur le gouvernement

Il y a urgence car le dispositif des zones de revitalisation rurale (ZRR) s’achève fin 2023. Aucune décision n’a encore été prise alors que les rapports sur le sujet, notamment les 15 propositions remises par l’AMF en octobre dernier, ne manquent pas. Pour donner un coup d’accélérateur, deux propositions de loi sénatoriales ont été déposées fin mai afin de prolonger et améliorer le dispositif. De quoi aussi mettre la pression sur le gouvernement qui doit présenter dans la seconde quinzaine de juin le plan France Ruralités, qui traitera notamment des ZRR. Les sénateurs veulent ajouter de nouveaux critères d’éligibilité, retenir la maille communale et toucher un plus grand nombre de communes rurales.

Créé par la loi du 4 février 1995, le dispositif des ZRR vise à soutenir le développement des communes rurales reconnues comme fragiles sur le plan socio-économique. Les entreprises de moins de onze salariés s’y implantant bénéficient ainsi d’exonérations de charges fiscales et sociales. Celles-ci s’élevaient à 386 millions d’euros en 2022. Reporté déjà à plusieurs reprises, le dispositif bénéficie à 17 700 communes.

Selon Jean-François Longeot, président de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable du Sénat, « les ZRR doivent redevenir le fer de lance de la politique publique d’accompagnement des territoires ruraux ».

« Un zonage plus juste et mieux ciblé »

A l’approche de l’achèvement du dispositif, le 31 décembre 2023, les initiatives sénatoriales se multiplient. Leur constat est le même sur son utilité et le besoin d’une révision avec notamment de nouveaux critères. Issue d’un rapport d’information du Sénat, publié en janvier dernier, la proposition de loi (PPL) déposée par Rémy Pointereau, sénateur du Cher, notamment co-signée par Jean-François Longeot, vise à « rendre le zonage plus juste et mieux ciblé ». « Au fil des années et des prorogations successives, le zonage retenu a perdu de son efficacité car il ne cible plus de façon pertinente et équitable les territoires les plus fragiles », estime le texte qui pointe également « les nombreuses imperfections » du maillage actuel. 

Voulant « pérenniser et réformer les ZRR », l’autre PPL émane des sénateurs Bernard Delcros et Frédérique Espagnac, en s’appuyant sur les conclusions de leur rapport remis à Jean Castex en mars 2022. Objectif affiché : « appliquer les critères au plus près du terrain, sauver et renforcer ce dispositif essentiel pour la dynamique rurale ». D’une durée de dix ans, le dispositif irait jusqu’à fin 2034.

Des critères supplémentaires

Jusqu’alors, le classement se faisait sur deux critères que sont la densité démographique et le revenu fiscal par habitant. La PPL Pointereau plaide pour un éventail plus large afin d’éviter des effets de seuil : un critère principal, la densité démographique, et trois autres parmi un panachage de huit critères « secondaires » mesurant le niveau de vie et le cadre de vie. Dans le détail : taux de chômage, déclin démographique, âge médian, services accessibles aux habitants, taux de vacance des logements, accès aux soins, part d’agriculteurs, d’artisans et commerçants, contraintes spécifiques aux communes de montagne. « Ces critères nouveaux et plus nombreux permettraient de « mieux cerner les fragilités des territoires ruraux », estime la PPL Pointereau. Concrètement, avec le texte sénatorial, si trois critères secondaires sont remplis, la commune pourrait alors être classée ZRR.

Pour sa part, la PPL Delcros-Espagnac propose de conserver les deux critères jusqu’alors utilisés, mais en intégrant au classement les communes ultramarines répondant aux critères de classement. S’y ajouteraient aussi toutes les communes de département dont la densité est inférieure à 35 habitants par km2 et dont la population est en baisse de plus de 4 % sur la période 1999-2019, à l’exception des communes de plus de 30 000 habitants. En outre, les communes de montagne continueraient d’en bénéficier jusqu'au 31 décembre 2034.

L’AMF quant à elle avait plaidé dans son rapport présenté par Régine Poveda et Ludovic Rochette pour un maintien des critères existants tout en prenant en compte la nouvelle définition de la ruralité basée sur la densité de population afin d’augmenter l’assiette des bénéficiaires.

Maille communale

Les deux textes optent pour la maille communale. « Les élus locaux consultés en ligne adhèrent fortement à l’abandon de la maille intercommunale et à l’augmentation du nombre de critères », souligne Rémy Pointereau. Selon le sénateur du Cher, l’application des critères actuels à l'échelle intercommunale créée « des effets de seuils qui pénalisent les communes, parfois légèrement au-dessus des seuils, mais proches de l'un ou l'autre de ces critères ». Le rapport Delcros-Espagnac de mars 2022 pointait aussi « des conséquences particulièrement négatives » en citant le cas de grands EPCI exclus des ZRR malgré la présence en leur sein d’espaces très ruraux.

Mais la bataille du retour à l’échelle communale n’est pas encore gagnée sachant que Dominique Faure, ministre délégué chargée des Collectivités et de la Ruralité, a évoqué, lors de d’échanges avec l’AMF notamment avec son président le 18 avril dernier ou encore lors l’assemblée générale de l’ANPP (Association nationale pays et PETR), le 3 mai, une nouvelle géographie prenant comme maille le niveau intercommunal.

Deux ou trois niveaux de ZRR

La PPL Pointereau propose également de répartir les communes classées en ZRR en trois niveaux, afin d’assurer un niveau d’exonérations adapté aux différents degrés de fragilité.

Cela amènerait à classer au moins 24 000 communes en ZRR, soit 6000 de plus que dans le dispositif actuel. Elle défend la création d'un zonage renforcé (ZRR+) pour les communes classées en ZRR les plus défavorisées. Une préconisation partagée par la PPL Delcros-Espagnac, mais avec seulement deux niveaux de ZRR comme l’a suggéré l’AMF. Selon les deux sénateurs, la ZRR+ nécessiterait « des dynamiques défavorables » sur au moins dix ans, appréciées sur le revenu par habitant, la population communale et le potentiel fiscal rapporté à la moyenne nationale.

Pour Rémy Pointereau, « il est urgent d’agir pour réformer ce zonage à bout de souffle auquel les élus sont attachés. Les critères de classement en ZRR, plus nombreux, permettront de prendre en compte la ruralité dans toutes ses dimensions ». En estimant que c’est aux politiques publiques de s’adapter à cette diversité.

Majoration de la DSR

Enfin, la PPL Pointereau suggère l'automaticité de l'accès aux aides pour tous les bénéficiaires, jugée « inévitable » pour limiter le non-recours à des exonérations encore trop souvent méconnues. Pour sa part, la PPL Delcros-Espagnac propose une majoration de la DSR (dotation de solidarité rurale) et la création d'un fonds à l'investissement pour le maintien des commerces.

 

Philippe Pottiée-Sperry

 

Pour aller plus loin :

-Proposition de loi de Bernard Delcros et Frédérique Espagnac : https://www.senat.fr/leg/ppl22-645.html

-Proposition de loi de Rémy Pointereau : https://www.senat.fr/leg/ppl22-642.html

-Rapport de l’AMF et propositions de la mission Poveda-Rochette :

https://www.amf.asso.fr/m/document/fichier.php?FTP=471b6aaa7a45a5df12aefd6f188d45ab.pdf&id=41395

Référence : BW41757
Date : 9 Juin 2023
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


Partager :

La reproduction partielle ou totale, par toute personne physique ou morale et sur tout support, des documents et informations mis en ligne sur ce site sans autorisation préalable de l'AMF et mention de leur origine, leur date et leur(s) auteur(s) est strictement interdite et sera susceptible de faire l'objet de poursuites.