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Transition écologique et collectivités : le Sénat plaide pour revoir le système de financement

Face au « mur d’investissement » que représente la transition écologique pour les collectivités, les diverses dotations et aides de l’Etat ne suffiront pas. Tel est le constat d’un rapport sénatorial qui propose de mieux mesurer leurs résultats et surtout de « repenser le système de financement ». Cela passerait en priorité par une visibilité pluriannuelle mais aussi par un recours accru à l’emprunt notamment en isolant la dette verte. Autre recommandation : l’investissement ne doit pas se concentrer uniquement sur la rénovation thermique des bâtiments publics, si importante soit-elle, mais aussi sur de nombreux autres sujets comme le traitement des déchets, la revégétalisation ou le développement des énergies renouvelables.

« L’accélération des investissements des collectivités locales en faveur de la transition écologique est indispensable ». Le constat dressé par la commission des finances du Sénat, dans un rapport publié le 5 juillet, est sans appel. Selon l’analyse de l’Institut I4CE, pour atteindre les objectifs de la stratégie nationale bas carbone, les collectivités devraient investir 12 milliards d’euros par an (5,5 milliards aujourd’hui). Et ce montant est probablement sous-estimé !

Nombreuses dotations

Pour faire face au « mur d’investissement » qui attend les collectivités, le gouvernement a renforcé les dotations d’investissement ces dernières années, reconnaissent les deux rapporteurs, Charles Guené (PS) et Claude Raynal (LR). Cela en encourageant l’emploi des dotations classiques pour des projets environnementaux ou en créant de nouvelles dotations fléchées. Ainsi, la DETR (dotation d’équipement des territoires ruraux) a permis, en 2021, de financer 3524 projets environnementaux (156 millions d’euros) et la DSIL (dotation de soutien à l’investissement local (DSIL) 918 projets (89 millions).

Il existe aussi des dotations vertes, pas toujours pérennes : la DRT (dotation de rénovation thermique : un milliard), la DRI (dotation régionale d’investissement : 600 millions), le fonds vert (deux milliards) et la dotation de biodiversité (42 millions et 100 millions prévus en 2024 a indiqué le gouvernement lors de la présentation de France ruralités).

Un système trop complexe

Malgré ces efforts importants, les sénateurs regrettent ce « foisonnement de dotations qui rend le système complexe », et cela encore plus pour les petites communes. D’autant que s’y ajoutent des aides des opérateurs de l’État (ANRU, ANCT, Ademe, Banque des territoires) mais aussi certaines subventions européennes. Un maquis dont la complexité s’accroit encore avec la difficulté d’accès à certaines aides due à des calendriers différents, une trop grande technicité, des critères d’éligibilité très nombreux et peu transparents ainsi qu’une faible consultation des élus sur les modalités d’attribution.

Dans leurs recommandations, les rapporteurs proposent ainsi de faciliter la constitution des dossiers via une liste unique des pièces justificatives à l’appui des demandes. Au-delà, ils prônent une simplification et une clarification des objectifs des dotations.

Repenser le financement

 « L’incertitude sur les finances locales et l’absence de prévisibilité, couplées à un renchérissement du recours à l’emprunt, fait peser un risque de renoncement à certains investissements en faveur de la transition écologique », s’inquiètent les sénateurs. Tout en jugeant « indispensables » les dotations de l’Etat sur ce vaste chantier, devant être poursuivies et amplifiées, ils estiment qu’« elles ne peuvent être un outil unique pour répondre à l’ensemble des besoins ».

Les sénateurs plaident pour repenser l’ensemble du financement de la transition écologique avec pour priorité une visibilité pluriannuelle, sachant que les investissements nécessaires dépassent bien souvent la durée d’un mandat local. Les nombreux élus auditionnés par la mission sénatoriale jugent cette absence de prévisibilité comme « un obstacle au lancement de certains investissements ».

Programmation pluriannuelle des investissements

Le rapport recommande ainsi une programmation pluriannuelle des investissements locaux et de leur financement, notamment dans le cadre des CRTE (contrats de relance et de transition écologique). Autre proposition : « envisager l’endettement des collectivités sous un nouveau prisme ». En clair, il s’agirait d’isoler la dette verte en mettant à part, dans les ratios d’endettement, la part de la dette due à la transition écologique.

De plus, les sénateurs défendent une mise à plat des outils favorisant le financement environnemental, en citant notamment une réforme du FCTVA ou de la DGF.

Ne pas se limiter à la rénovation des bâtiments

Autre constat : les projets de rénovation énergétique des bâtiments sont fortement privilégiés dans les aides, sachant que le parc immobilier des collectivités est ancien et énergivore. « Un biais à corriger », selon les sénateurs, car la transition écologique ne peut pas se résumer à cet unique chantier, si important soit-il. 

Les besoins d’investissements sont également nombreux dans d’autres domaines comme le traitement des déchets et des eaux usées, la revégétalisation et la reforestation, la protection de la faune et de la flore ou encore le développement des énergies renouvelables.

Un besoin d’évaluation

Enfin, les sénateurs alertent sur l’absence d’évaluation et de mesure de l’impact environnemental des investissements réalisés grâce aux dotations. Pour le fonds vert et la DRT, des indicateurs existent sur les objectifs des projets mais ne concernent pas la mesure des résultats. « Si le problème des moyens est réel, il ne doit pas faire obstacle à la mise en place d’un minimum de contrôles », préviennent les deux rapporteurs. Et d’ajouter « qu’il n’est pas souhaitable d’engager plusieurs milliards d’euros de fonds publics, notamment si le fonds vert est prolongé, sans pouvoir en mesurer l’efficacité ». Une de leurs propositions est donc de mettre en place des contrôles a posteriori, sous forme d’échantillons, pour « mesurer l’impact réel des investissements réalisés à partir des dotations d’investissement finançant des projets de transition écologique (DGCL, DGALN) ».

Philippe Pottiée-Sperry

 

Pour aller plus loin

« Les dotations de l'Etat aux collectivités territoriales : un verdissement en demi-teinte », rapport d'information de la commission des finances du Sénat :

https://www.senat.fr/rap/r22-832/r22-8321.pdf

 

Référence : BW41829
Date : 20 Juil 2023
Auteur : Philippe Pottiée-Sperry pour l'AMF


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